Bonne Année 2013 à tous.
Happy New year to all.
Le Discours de l'Année 2012
Le RCM (Répertoire Culturel Mauricien), a le plaisir de décerner la Palme d'Or du discours mauricien de l'année 2012 à Yvan Martial.
Nous n'avons malheureusement plus l'occasion d'entendre de vrais beaux discours digne d'une nation mauricienne, que ce soit au Parlement ou sur les estrades politiques. Mais cette fois-ci, le RCM salue cette allocution d'Yvan Martial. Courageux , honnête et beau! Tristan Bréville.
Discours d’Yvan Martial à l’occasion du
lancement du livre ‘Ile Maurice-500
Cartes Postales Anciennes’ au Blue Penny Museum le 7 décembre 2012.
Pas
facile de te présenter, à cette noble
assistance, mon cher Kailash.
En bon
journaliste malappris, mal élevé,
insolent, irrespectueux des
usages
protocolaires, je me permets, de te tutoyer, tout Président de la
République
que tu puisses être. Il s'agit d'une
vieille ruse du métier de
journaliste,
de faire croire, à la personne qu'on doit interroger, qu'on a
joué
ensemble aux cannettes. L'interviewé est
alors pris à contre-pied et
se croit
obligé de se montrer aimable et coopératif. Avec
toi, cette ruse ne
marche,
pourtant, pas. Tu persistes à me vouvoyer et du coup
me voilà
désarçonné.
Et tu sais qu'il n'y a pas plus humiliant qu'un
jockey
désarçonné,
au départ ou en cours d'épreuve, et qui doit
regagner, à pied,
le
paddock, sous le regard faussement apitoyé des
spectateurs.
Quitte à te faire de la peine, mon
cher Kailash, ce
n’est pas en ta
qualité
de Président de la République que je t'ai prié d'honorer de ta
présence
la présentation du livre Maurice 500
cartes postales anciennes.
Cet
après-midi, c'est au politicien, au sens le plus noble
du terme, que je
m'adresse. Je me
sens toujours profondément honoré pour l'amitié et
l'extrême
courtoisie que tu manifestes, sans cesse, à
mon égard.
Il est
facile pour le journaliste, enfermé
dans sa tour d'ivoire, de
tremper sa
méchante plume, dans l'encrier le plus vitriolique qui
soit, et
de
descendre en flamme l'infortuné politicien,
ayant le malheur de penser
autrement,
que ce tyran qu'est
facilement un journaliste, surtout s'il
traîne
derrière
lui une sulfureuse réputation de conne-tout. Mais
quand ce
même
journaliste doit descendre de son perchoir, se mêler à la plèbe,
rencontrer
des victimes de ses diatribes, en la personne de
politiciens
proches
du Pouvoir, il fait moins le brave.
Double
peut être, dans ce cas, la réaction des politiciens. Dans le
meilleur
des cas, le politicien se drape dans sa dignité bafouée, passe
devant
le journaliste, en l'ignorant, tout en
le foudroyant du regard le plus
méprisant.
Dans ce cas, le journaliste
respire à son aise car il sait avoir
évité de
justesse une déplaisante algarade publique. Dans le pire des cas,
c'est
pourtant ce qui se passe. Le politicien prend le
ciel et l'assistance à
témoin
de l'injustice médiatique que ce journaliste lui fait
subir. Le
journaliste
sait alors qu'il n'a aucune
aide à attendre de personne. Il ne
sait où
se cacher. Au besoin, il accepterait volontiers de tomber
dans une
nouvelle
fosse (un comble, pourtant, pour lui, que cette fausse
nouvelle)
pour
cacher sa déconvenue.
Rien de
semblable avec toi, mon cher Kailash. Tu vas
volontiers
saluer
ce journaliste qui ne t’épargne
guère pourtant dans ses écrits. Et
s'il
tente maladroitement de
balbutier une excuse, tu n'as pas ton
pareil
pour l'arrêter d'un geste
amical, d'un sourire bienveillant. Ne confondons
surtout
pas ta magnanimité exemplaire et proverbiale, avec une
quelconque
feuille songe. Le noble politicien, que tu demeures, ne
peut
manquer être douloureusement blessé par des critiques
journalistiques,
même si elles sont bona fide mais pas fondées. Tu
souffres
profondément dans ta chair, en tant que légiste scrupuleux,
tenant à
s'appuyer sur des preuves irréfutables, pour te
prononcer et agir
dans un
sens ou dans l'autre. Tu souffres aussi en tant que politicien, en
tant que
ministre, car tu sais qu'il est humainement pas possible de
taire
plaisir
à tout le monde et qu'il y aura toujours quelqu'un à
être mécontent
d'une
décision gouvernementale, prise pourtant dans l’intérêt du bien
commun,
dans l’intérêt supérieur de la population. Ce quelqu'un, tu le
connais autant que moi, c'est le
journaliste, l'éternel
insatisfait.
Non
seulement tu absous les critiques infondées de ce
journaliste
mais tu
trouves encore la force morale pour t'intéresser,
en vérité, à sa
vision
des choses, pourtant superficielle car journalistique.
En cela,
mon cher Kailash, tu nous rappelles nos meilleurs politiciens
du 20e
siècle, les Harilal Vaghjee, les Aunauth Beejadhur, les
Renganaden Seeneevassen, les
Jules Koenig. On pourrait citer encore
Kader et Suleïman Bhayat, Cassam Uteem, Raouf Bundhun, Vidula
Nababsing. Comment
ne pas faire une mention spéciale, ici, pour ton
maître
et gourou : Seewoosagur Ramgoolam. Tu as
été, avec lui. à bonne
école.
Tu as été un bon élève attentif et intelligent. Nous retrouvons sans
peine,
en toi, les meilleures qualités humaines qui furent celles
de
Seewoosagur
Ramgoolam, son inépuisable bonté d'âme pour tout être
humain,
rencontré sur sa route, qu'il soit un grand de ce monde ou
le dernier des derniers.
Dans
notre pays Maurice où tout le monde couche, politiquement
parlant,
avec tout le monde, tu demeures, mon cher
Kailash, l'homme
d'un seul parti.
Ta fidélité au Parti
Travailliste ne saurait être mise en
doute
par personne. Tu as toujours accompagné ce parti, dans l’honneur
de la
victoire électorale et du Pouvoir gouvernemental, comme dans ses
traversées
du désert, avec, dans les deux cas, une dignité pareillement
remarquable
et exemplaire. Tu demeures pareillement étranger à
l'exaltante ivresse
du Pouvoir, comme de la maladive amertume du caro
cannes. Dans la
victoire, comme dans la défaite tu demeures égal à
toi-
même,
respectueux de tes principes, de tes codes de conduite, de tes
crédos, appris
auprès des meilleurs de nos politiciens et légistes. Tu fais
partie
de ce que notre pays Maurice produit de meilleur : des hommes de
cœur, des êtres foncièrement
bons.
Pierre Chevènement a dit :
un ministre, soit il ferme sa
gueule, soit il
démissionne.
Tu t'es démis de tes fondions ministérielles
en janvier
1986, à l'instar de
notre regretté Kader Bhayat, ton
semblable, ton frère,
à tant
de points de vue. Vous l’avez
fait avec une dignité remarquable.
Pas la
moindre trace d'amertume. Pas la
moindre révélation indiscrète. Tu
n'es
certainement pas de ceux, qui démissionnent d'un parti, pour aller se
jeter
dans un lit adverse. Tu te contentes seulement de faire savoir qu'en
ton âme
et conscience, tu ne peux plus assumer des fonctions
ministérielles.
On ne saura rien de plus. On
devra se contenter de cela. Le
pays
Maurice te comprend sans problème. Message reçu 5 sur 5.
C'est
donc l'ami bienveillant des
journalistes que tu es, que j’ invite
à présenter officiellement
le livre des Editions Didier-Millet :
Maurice 500
cartes postales anciennes. Je
relève toutefois que, parmi tes
Nombreuses
responsabilités politiciennes et gouvernementales tu as été
Speaker de 2005
à 2012. En tant que président de notre Assemblée
Nationale, tu as
eu, entre autres, à
empêcher, nos députés mais surtout nos
ministres,
à induire en erreur notre Parlement mais surtout notre
population.
Je te préviens donc charitablement, mon cher Kailash. Si, en
ton âme
et conscience, tu as la conviction intime
que les légendes et les
textes
de liaison, que j'ai eu l'honneur de
rédiger, ne sont pas dignes de la
beauté
iconographique et de la valeur patrimoniale des cartes postales
d'André de Kervern, tu as
le devoir, désormais, de mettre en garde la
noble
assistance, ici présente. La parole est à toi.
Chers
amis, je pense que notre ami Kailash Purryag a droit
à nos
meilleurs
applaudissements.
Yvan Martial